Le piéton dans la nuit
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Le piéton dans la nuit

Service : Participation et Revendication Publics : Particulier, Pouvoir public Thématiques : Mobilité piétonne, Sécurité routière temps de lecture 6 min 6 sec

Même si vous n’êtes pas du genre Super-Héro

qui aime les combinaisons serrées et l’obscurité ou simplement nyctalope, vous vous êtes sûrement déjà retrouvé à marcher dehors la nuit tombée. Que ce soit pour aller travailler, rentrer de l’école, sortir les poubelles ou le chien, il est bien difficile d’éviter l’obscurité surtout au cœur de l’hiver où celle-ci peut nous envelopper pour plus de quinze heures. 

Ces déplacements nocturnes à pied sont dès lors bien souvent dépendants de l’éclairage public, car comme vous le savez sûrement et sauf si votre super-pouvoir est justement la nyctalopie, il nous est difficile, pour nous, humains de base, de voir dans l’obscurité. Cependant, cet éclairage censé nous permettre de voir ce qui nous entoure et de nous repérer dans l’espace n’est pas toujours adapté.  

Force est de constater que l’infrastructure d’éclairage « fonctionnelle » existante a été pensée au 20ème siècle… pour l’automobile ! Et bien qu’il y ait eu des améliorations depuis, notamment en ce qui concerne l’éclairage des autoroutes où l’Institut Vias souligne “qu’une diminution de l’éclairage ne menacerait pas la sécurité. Au contraire : les autoroutes éclairées donnent une fausse impression de sécurité, ce qui conduit souvent les automobilistes à être moins prudents et moins défensifs”, une grande partie du territoire reste éclairée selon les besoins liés à la voiture. De plus le plan LUWA (Plan lumières 4.0) lancé en 2019 devrait davantage, selon le principe STOP, mettre les usagers actifs au centre de ses réflexions.

Par ailleurs, il est important de souligner que contrairement aux véhicules, les piétons sont très rarement équipés de leur propre système d’éclairage. 

Or, si la nuit n’est pas vécue par tous et toutes de la même manière, nous sommes plus ou moins égaux face à la baisse de vision dans l’obscurité. Avec la perte de luminosité, notre perception de l’espace change. En effet, la lumière est essentielle pour la lisibilité et les ressentis des usagers. Mais tous les éclairages ne se valent pas, et offrent des avantages et inconvénient différents.  

Sans entrer dans les détails techniques, nous retrouvons généralement deux types de lumière qui impactent notre perception nocturne. Nous avons d’un côté la lumière blanche, proche de la lumière du soleil, qui nous permet de bien percevoir les volumes, la profondeur et les obstacles et offre plutôt un sentiment de sécurité dû à sa ressemblance avec la lumière du jour ; de l’autre côté la lumière jaune-orange qui est bien plus chaleureuse, moins éblouissante, et moins néfastes pour la biodiversité (nocturne surtout) mais aussi pour la santé humaine (les longueurs d’onde blanche et bleue dérèglent l’horloge biologique), mais qui offre une faible lisibilité de l’espace. 

Alors entre rêverie et angoisse, liberté et insécurité, économie d’énergie et pollution lumineuse où est le piéton dans la nuit ?  

L’idée de la marche nocturne peut être découragée par la peur de l’obscurité, des dangers face aux véhicules motorisés ou au sentiment d’insécurité dû à une ambiance peu rassurante… Par la vulnérabilité du piéton dans la nuit en fait. Le piéton est en effet l’usager le plus vulnérable lors de sa rencontre accidentelle avec d’autres types d’usagers comme les cyclistes, les conducteurs… 

Mais alors, qu’est ce qui pourrait améliorer la marche nocturne ?

(oui, à ce stade de la réflexion, on a renoncé à compter sur d’éventuels pouvoirs surnaturels) 

La tendance étant à diminuer de plus en plus l’éclairage prévu pour les véhicules pour des raisons justifiées d’économie d’énergie, d’argent et de diminution de la pollution lumineuse, quatre éléments doivent être pris en compte, afin que les piétons ne passent pas au black :    

1- Eteindre le plus possible dans le respect des piétons et cyclistes. Au-delà des économies d’énergie et financières, cette action permet de moins impacter la faune et la flore. La difficulté réside dans l’accompagnement des modes actifs puisque les usagers réclament le plus souvent un balisage ou un accompagnement de leurs déplacements par un éclairage public adéquat. A noter que pour les cyclistes, l’utilisation d’une signalétique de guidage et d’avertissement réflectorisée limite la nécessité de l’éclairage public. Il peut dès lors être intéressant de se concentrer sur le parcours piéton et les endroits stratégiques à maintenir éclairé : traversées piétonnes, trottoir plutôt que chaussée… 

2- Abaisser les intensités pour une plus grande adaptabilité aux besoins. Les piétons n’ont ainsi pas besoin d’un éclairage aussi intense que celui initialement prévu pour les véhicules. Ainsi à Lyon, de 22 heures à 5 heures, les lampadaires se mettent en mode « piéton », avec une luminosité réduite mais suffisante pour des passants. Des capteurs à chaque extrémité de la rue détectent l’arrivée d’un véhicule et augmentent l’intensité lumineuse à son passage. L’expérience prolongée n’a fait apparaître « aucune incidence sur l’insécurité publique », souligne Sylvain Godinot, adjoint délégué à la transition écologique. 

3- L’importance de l’orientation des sources d’éclairage. Sa prise en compte permettra à la fois de lutter contre la pollution lumineuse du ciel nocturne mais également d’atténuer les éblouissements des piétons et cyclistes, le sentiment d’insécurité que peuvent provoquer certaines ombres portées mais également d’éviter la lumière intrusive pour les habitants. Les éclairages privilégiés peuvent être : soit directs avec une lumière directement projetée sur une surface à éclairer dont les ombres portées sur le sol sont nettes et précises, soit indirects, avec des ombres produites plus douces et atténuées pour un meilleur confort visuel dans les zones piétonnes. Ils peuvent également privilégier des directions de plongée, latérale ou rasante pour accompagner par exemple le balisage d’une piste cyclable ou d’un cheminement piéton sans venir éclairer l’espace de manière diffus qui pourrait impacter la biodiversité. 

4- Le choix des couleurs des ambiances lumineuses. Il apparait que les choix de couleurs ambrées permettent de mieux de répondre aux enjeux des déplacements et au respect des cycles de vie (humains, animaux et végétaux). 

Il faut saisir l’opportunité de la mise à jour actuelle de l’éclairage public, pour y intégrer en plus des enjeux économiques et environnementaux, les autres usagers de l’espace public.  

Sources