Virelles : deux chemins privatisés illégalement, la commune reste inactive...
Article | Etude de cas |

Virelles : deux chemins privatisés illégalement, la commune reste inactive...

Service : Participation et Revendication Publics : Particulier, Pouvoir public Thématique : Mobilité piétonne temps de lecture 7 min 2 sec

Dans le paisible petit village de Virelles dans la botte du Hainaut, un très beau chemin bucolique permet de relier la rue Lapeau à la rue du Marché en toute quiétude. Enfin, tout dépend dans quel sens vous l’empruntez puisqu’il est désormais fermé par une grille à l’une de ses extrémités par un riverain irascible au grand dam de la population locale. Gare à vous si vous vous y retrouvez coincé !

Le Chemin vicinal N°16

Sur les cartes anciennes, nous pouvons constater qu’il n’y a pas un, mais bien deux chemins qui se chevauchent partiellement : le Chemin vicinal N°16 et une voirie innomée, le chemin du Prince.

Au nord, une bonne moitié du Chemin vicinal N°16 est toujours visible et praticable comportant une vue paysagère exceptionnelle. La moitié sud, n’est plus vraiment visible, mais l’on devine encore son emplacement à certains endroits. La ville de Chimay explique que cette partie du chemin n’est plus utilisée et a fait l’objet d’une construction. Un courrier daté du 14 avril 2012 envoyé par le Service voyer de la Province du Hainaut à la commune, nous informe pourtant sur le fait « qu’il semble qu’officiellement le Chemin N°16 n’aurait fait l’objet d’aucune modification de voirie

La partie nord du Chemin vicinal N°16 de Virelles offre une vue exceptionnelle sur la campagne avoisinante.
Rien ne montre que le promeneur se trouvera devant une grille cadenassée, enfermé à l’autre extrémité…

 

Les cartes du cadastre, les plans POPP et l’atlas vicinal sont contradictoires et la situation reste confuse. La prescription acquisitive trentenaire pourrait être invoquée pour justifier la disparition de la partie sud du chemin, mais à ce jour aucune preuve que nul n’est passé sur le tracé de ce chemin depuis trente ans n’a été produite. Selon le même Service voyer de la Province du Hainaut, « il vous (NDLR : la commune) est donc loisible de rétablir les limites légales selon l’atlas des chemins vicinaux du Chemin N°16 ». Le rétablissement de la servitude sur la partie sud du chemin pourrait donc être exigé par la commune si une alternative n’existait pas.

Le chemin du Prince

En effet, au fil du temps et depuis plus d’une centaine d’années, un autre chemin s’est créé en parallèle de la rue du Marché : le chemin dit “du Prince” ou  “de la Fosse aux pourceaux”. Au bout du chemin, dans l’actuel virage de la rue du Marché, se trouve une mare qui servait manifestement à cet effet – Plan POPP (1842-1879)».

Le chemin du Prince est utilisé par les habitants de Virelles depuis des générations.

 

Le caractère public de ce chemin n’est plus à démontrer car il est utilisé par la population locale depuis des générations sans que personne n’y ait trouvé à redire. Le chemin figure également sur le tracé des Sentiers de Grande Randonnée sous l’appellation de GR 125. Le courrier du 12 avril 2012 du service technique de la Province du Hainaut confirme aussi que « En dehors de l’ouverture et de l’inscription à l’atlas, des chemins vicinaux peuvent également être constitués par la prescription trentenaire. Par une possession trentenaire, la commune peut acquérir la servitude sui generis de passage public, mais elle peut également acquérir la propriété si elle pose des actes d’appropriation et même sans accomplir des actes d’appropriation lorsqu’il s’agit de sentiers ». Cette possibilité est encore plus d’actualité depuis que ces dispositions ont été coulées dans le décret relatif aux voiries communales du 6 février 2014 Articles 27, 28 et 29 du décret.

De la sécurité des utilisateurs

L’histoire pourrait s’arrêter là et tout le monde de pouvoir continuer à circuler sur la partie nord du chemin vicinal N°16 et sur le chemin du Prince si un riverain irascible ne s’était pas mis en tête d’interdire le passage à l’extrémité du chemin du Prince par une barrière fermée par un cadenas. Outre l’effet plus que dissuasif de ce dispositif, le riverain en question se montre menaçant et violent avec ceux qui osent quand-même circuler sur le chemin.

Ce riverain est pourtant en double infraction puisqu’il occupe la partie sud du Chemin vicinal N°16 et qu’il interdit aussi, sous des prétextes personnels, le passage sur le chemin du Prince, une alternative qui semble pourtant convenir à tout le monde.

La situation est même assez délicate pour les malheureux qui auraient la mauvaise idée d’emprunter le chemin à partir de la rue Lapeau où aucun panneau et aucune barrière n’y interdit le passage. En effet, dans ce cas de figure ils se retrouveront au bout du chemin et de bonne foi face à la grille placée par le riverain, mais du mauvais côté de celle-ci ! On imagine aisément l’insécurité de la situation quand ils se feront copieusement insulter et menacer par ce dernier, s’il n’en vient pas carrément aux mains comme le témoignage de certains habitants l’atteste.

Le Collège nie l’évidence, l’administration impuissante, la police silencieuse

Face à cette situation très problématique, plusieurs habitants du village ont réagi à plusieurs reprises auprès du Collège communal de la Ville de Chimay, pétition à l’appui. Des associations comme Itinéraires Wallonie, les Sentiers de Grande Randonnée et Sentiers.be ont également interpellé le Collège avec pour seul résultat une réponse laconique signalant que le chemin N°16 n’existe plus et que « les Virellois qui veulent se promener peuvent emprunter sans problème, un chemin très proche de l’ancien Chemin vicinal N°16, ce chemin est large à suffisance et les panneaux « interdiction de circuler » qui l’ont un moment fait considérer comme interdit au public, ont été enlevés par le riverain… ».

Quiconque a pu se rendre sur place depuis, aura constaté qu’il n’en est rien et que les obstacles et menaces subsistent.

Les administrations communale et provinciale reconnaissent bien le caractère public de ces voiries mais ne sont pas entendues par le Collège qui est aux abonnés absents. La Bourgmestre aurait tout simplement intimé à la Ville de ne plus communiquer à ce sujet et de ne plus répondre aux courriers des associations.

La police quant à elle reste silencieuse malgré les plaintes qui ont été portées par certains riverains.

De vieilles bornes en pierre jalonnent le chemin du Prince.

 

Conclusion

Par son inaction, le Collège de la Ville de Chimay ne reste pas neutre et se range de fait du côté d’une privatisation abusive du domaine public. Il contrevient au décret relatif aux voiries communales du 6 février 2014 en ne faisant pas appliquer les articles 27, 28 et 29 concernant la création de voiries par l’usage du public et aux articles 60 à 65 concernant les infractions.

Le riverain contrevient aussi à l’article 88.9 du Code rural concernant les entraves sur la voie publique et à l’article 406 du Code pénal concernant les entraves « méchantes » sur la voie publique (dans le cas des cyclistes et des cavaliers).

En cas d’incident sérieux le Collège est-il conscient que, selon l’article 135 de la Loi Communale, la ville sera tenue pour responsable car elle n’aura pas garanti la sécurité du public ?

Dès lors, pourquoi ne pas régler le problème une bonne fois pour toute dans l’intérêt général en proposant une solution qui pourrait convenir à la majorité des intervenants, à savoir le déplacement officiel de la partie sud du chemin vicinal N°16 sur le tracé du chemin du Prince dans le cadre de la procédure prévue au titre 3 – Chapitre 1er du décret relatif aux voiries communales du 6 février 2014 ?

Et plus généralement, ce cas local n’est-il pas illustratif d’une forme d’impunité de la part de certaines communes en la matière ? Le décret du 6 février 2014 ne devrait-il pas être modifié afin de mieux responsabiliser les pouvoirs communaux face à leurs devoirs ?

Auteur : Christophe Danaux – Sentiers.be