Réseau de voies lentes, territoire rural et mobilité active : des liens à ménager
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Réseau de voies lentes, territoire rural et mobilité active : des liens à ménager

Publics : Particulier, Pouvoir public Thématique : Mobilité piétonne temps de lecture 7 min 29 sec

Retour vers les modes actifs

Durant un demi-siècle, la mobilité s’est concentrée essentiellement sur la voiture ou les autres modes de transports motorisés. Pourtant, les modes actifs reviennent aujourd’hui à la mode et sont prônés par les autorités. Cependant, les villages retirés des villes semblent propices au « tout à la voiture ». Ils sont souvent mal desservis en transports en commun, ils ne possèdent pas ou peu d’infrastructures cyclables ou piétonnes, et la vitesse des voitures, rendent la sécurité médiocre pour les usagers actifs. Pendant longtemps, l’aménagement du territoire s’est concentré sur les infrastructures routières dans les campagnes. De plus, l’éclatement de l’espace de vie des ménages a rendu indispensable l’automobile. La distance parcourue chaque jour par les Ruraux est beaucoup plus grande que celle des Citadins. De ce fait, redévelopper les modes actifs dans le monde rural est devenu un enjeu majeur de l’aménagement du territoire.

C’est dans ce contexte que la commune de Péruwelz (Hainaut) m’a confié la mission de mettre à jour la cartographie des chemins et sentiers du village de Wiers et de proposer ensuite un plan pour la mise en place d’un réseau local de voies lentes. Ce travail s’est intégré dans mon cursus universitaire en master d’urbanisme et aménagement pendant lequel je devais réaliser un stage d’une durée de 3 mois.

Un inventaire contrasté

La première étape de ce travail fut révélatrice d’une chose particulièrement étonnante : les sentiers n’ont presque pas disparu juridiquement parlant ! En effet, l’inventaire de l’ensemble des chemins et sentiers du village de Wiers ainsi que leurs documents de modification, suppression et création, laissa apparaître que seuls 10 sentiers ont été partiellement supprimés juridiquement et 1 totalement supprimé. Pourquoi donc s’inquiéter de l’état de nos réseaux de sentiers ?

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© Rémy Huon et IGN

La seconde étape nous rappelle que l’aménagement est aussi un travail de terrain. En parcourant le village, je me suis aperçu que de nombreux sentiers n’existaient plus physiquement. Il y avait donc une énorme disparité entre les patrimoines physique et juridique. De plus, des photographies aériennes (fournies par la « métropole européenne de Lille ») datantes de 1955, 1971 et 1988 ont permis de retracer l’évolution de la cartographie des sentiers.

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© Rémy Huon et IGN

En 1955, le nombre de sentiers était encore considérable, et même si quelques-uns ont disparu, le réseau était encore présent à cette époque.

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Réseau en 1955 – © Rémy Huon

En 1971, quelques mailles du réseau commencent à disparaître progressivement même si le maillage général reste en place. Le besoin d’utiliser les sentiers se fait de moins en moins sentir.

A la fin des années 1980, le réseau de sentiers a disparu pour devenir un véritable « chevelu » comme nous le connaissons aujourd’hui. Les parcelles agricoles remembrées ne laissent plus de places pour les sentiers. En moins d’un demi-siècle la géographie des sentiers n’a donc cessé d’évoluer comme jamais auparavant alors qu’elle n’avait pratiquement pas changée depuis plus d’un siècle et demi !

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Réseau en 1980 – © Rémy Huon

Plusieurs facteurs permettent d’expliquer leur disparition : le remembrement des terres agricoles qui a touché nos pays dans la seconde moitié du 20e siècle, l’urbanisation croissante dans les campagnes, la montée en puissance du « système automobile », la primauté de certains intérêts privés sur les intérêts publics et même parfois la nature qui réinvestit les sentiers lorsque ceux-ci ne sont pas entretenus.

Des sentiers très utiles

Avec cet état des lieux, il semblait nécessaire de revaloriser les sentiers, toujours utiles à notre époque. Diverses fonctions peuvent leur être attribuées.

Le premier exemple le plus connu est lié aux loisirs : c’est la marche à pied ou la randonnée cycliste. En effet, les sentiers proposent souvent des itinéraires de qualité pour les marcheurs ou les randonneurs qui les empruntent. Ils s’y sentent en sécurité grâce à la séparation avec la voirie habituelle. Lorsque les sentiers sont mis en valeur et sont aménagés, les usagers profitent des boucles de promenade qu’ils forment.

Deuxièmement, il faut voir en eux les raccourcis qu’ils peuvent établir entre deux lieux différents. De plus, ils peuvent parfois relier un endroit isolé de la structure principale d’un village ou d’une ville. C’est intéressant pour tenter de persuader les gens à se tourner vers la mobilité douce au quotidien et pas juste le temps d’une promenade. Pour cela, il est nécessaire de prendre en compte ce patrimoine dans l’aménagement du territoire.

D’autres catégories d’usagers arpentent régulièrement les sentiers. Ce sont les agriculteurs ou les sylviculteurs. Les sentiers sont pour eux le meilleur moyen de se rendre au plus près de leurs champs ou de leurs exploitations.

De plus, les sentiers peuvent, par leurs positions dans l’espace ou par leurs caractéristiques, constituer une réserve intéressante pour la biodiversité. En effet, s’ils se trouvent dans un milieu artialisé et qu’ils sont préservés, leurs abords peuvent être protégés de telle sorte qu’on laisse pousser les hautes herbes accueillant les insectes et autres animaux. Ils forment donc des corridors écologiques. Il s’agit souvent de sentiers qui sont légèrement surélevés ou creusés, car cela leur permet d’échapper au labourage des champs.

Ils sont également vecteurs de transmission et d’éducation au patrimoine naturel local lorsqu’ils passent dans (ou à proximité) des bois ou bosquets, endroits qui sont généralement évités par les routes traditionnelles.

Réformer un réseau local de voies lentes

Revenons désormais à ce qui est intéressant dans ce travail : la formation du réseau local de voies lentes. Il faut que les lignes des points sélectionnés soient :

  • Interconnectées et articulées pour en faire un système ;
  • Utiles pour le territoire de référence ;
  • Adaptées aux problématiques de ce dernier.

Une cartographie reprenant les lieux importants, la localisation de la population et les voies lentes existantes à Wiers fut une première chose à réaliser pour repérer les éléments déjà en lien. Ensuite, les voies lentes existantes juridiquement ont été ajoutées à cette carte pour voir quelles étaient les possibilités futures de liaisons.

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Pour garantir une connexité maximale du futur réseau, il a fallu repérer des zones de transition à sécuriser entre deux voies lentes.

Afin de faciliter le déplacement de tous les usagers actifs sur les voies lentes, leur offrir une certaine qualité de revêtements qui tiennent le coup aussi bien en été qu’en hiver fut primordial. Pour cela, il a fallu déterminer à qui s’adresse véritablement telle ou telle partie du réseau et quels aménagements peut-on réaliser de manière générale.

Lorsque le réseau est aménagé et sécurisé, il doit être facilement identifiable et pratique pour ses usagers. Une typologie de panneaux à mettre en place sur l’ensemble du réseau a été prédéfinie.

La nécessité d’exposer le réseau

Une fois le réseau achevé, si les habitants ne sont pas informés qu’il existe, il semble évident qu’il ne sera que peu utilisé. Pour le faire connaître, plusieurs actions peuvent être envisagées :

    • Travailler avec les enfants en leur apprenant à utiliser ce réseau ;
    • Diffuser une cartographie simplifiée du réseau aux habitants ;
    • Mener des actions ponctuelles autour des sentiers.

Pour un nouveau système de déplacement rural

Finalement, en aménageant de manière sélective et intelligente un réseau de voies lentes reliant les différentes parties du territoire en question, c’est la première pierre du changement qui est effectuée. Il faut ensuite penser au redéveloppement de l’offre de transports collectifs en l’adaptant aux problématiques du monde rural. Par la suite, le réseau de voies lentes doit venir compléter cette offre par un maillage fin à l’échelle du village. C’est l’intermodalité qui doit être pensée plutôt que la séparation des modes de déplacements. Il faut arriver à créer un « nouveau système de déplacement rural » en relation avec les villes et leurs services pour arriver à proposer une solution alternative à la voiture.

 

Auteur : Remy Huon