CHARLEROI - Osez découvrir l’intimité d’une ville avec la Boucle Noire !
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CHARLEROI - Osez découvrir l’intimité d’une ville avec la Boucle Noire !

Publics : Particulier, Pouvoir public Thématique : Trame Verte et Biodiversité temps de lecture 5 min 44 sec

Avant la révolution industrielle, la proche banlieue de Charleroi était une campagne un peu vallonnée et verdoyante. On n’y voyait pas ces grandes bosses vertes que l’ont appelait jadis « crassiers » et qui sont désormais plus connues sous le nom de « terrils ». Avec la toute nouvelle « Boucle Noire », vivez une expérience d’exploration urbaine hors du commun !

Tout commence au 19e siècle avec l’exploitation des mines de charbon et l’essor de la révolution industrielle. Plus la ville prospère plus les tas de cailloux grandissent. Ils finissent même par faire de jolies petites collines. A l’époque, elles n’ont pas très bonne réputation ces collines. Elles sont noires, pleine de poussières, liées au lourd travail de la mine. A partir des années soixante les tas de cailloux composés de déchets de l’exploitation minière ne grandissent plus. C’est le déclin de l’industrie du charbon, le pétrole c’est beaucoup plus chouette ! S’en suit une période où ce ne sont plus les mines qu’on exploite mais les terrils eux-mêmes. On y récupère les derniers morceaux de schistes qui y traînent. Gros chantier, démantèlement des terrils, toujours de la poussière.

La Boucle Noire traverse de nombreuses zones où la nature à repris ses droits comme sur le terril du Martinet à Roux.
La Boucle Noire traverse de nombreuses zones où la nature à repris ses droits comme sur le terril du Martinet à Roux.

Des havres de nature

Mais les habitants ont appris à vivre au pied de leurs terrils et ils finissent même par s’y attacher. Tellement fort que des comités de quartiers se forment pour leur sauvegarde et leur préservation. La Conférence de Rio en de 1992 donne l’impulsion nécessaire pour une reconnaissance des terrils comme le « the place to be » du développement de la biodiversité. Laissés à l’abandon, les tas de cailloux sont recolonisés par la nature et développent une riche biodiversité. En faune et en flore mais aussi en gamins venant y jouer après l’école, en promeneurs recherchant calme et verdure, en amoureux des incroyables perspectives que la hauteur des terrils permet d’avoir sur la ville et leur quartier…

Les versants sud, avec leurs schistes noirs exposés au soleil hébergent un biotope héliophile unique en Wallonie. Il n’est pas rare d’y trouver des plantes méditerranéennes ou continentales. Quand elles n’ont pas été stupidement rebouchées avant la prise de conscience de leur importance, plusieurs zones humides situées le plus souvent au pied des terrils, sont les ultimes refuges pour le crapaud calamite ou les tritons perdus dans un océan d’urbanisation.

Valorisation régionale

Pendant ce temps, non loin de là, dans la commune voisine de Châtelet, émerge l’idée d’un projet titanesque appelé « La Transterrilienne ». Il n’y en effet pas que Charleroi qui a vu les terrils pousser comme des champignons. La Wallonie compte plus de trois cents terrils répartis le long d’un axe est/ouest depuis le pays de Herve jusqu’au Borinage. L’idée de base est toute simple : relier entre eux les bassins miniers par des visites découvertes balisées. Sa mise en œuvre un peu moins. C’est Olivier Rubbers de la Ferme des Castors à Châtelet qui initie le mouvement dans les années 2000. Le projet ne sera finalisé qu’en 2006.

Trait d’union entre le nord de la France et le bassin de la Ruhr, une chaîne de trois cents kilomètres de terril au cœur des bassins miniers de Wallonie est balisée par les Sentiers de Grande Randonnée. Il aura fallu deux années de volontariat et beaucoup de négociations pour y parvenir. Actuellement, 21 bénévoles se chargent de la maintenance du balisage. La petite histoire raconte que son numéro d’attribution (SGR 412) fait référence au 4 décembre qui est le jour de la fête de Sainte Barbe, sainte vénérée des mineurs. Sur le terrain, la signalétique comporte un V qui symbolise à la fois le V de la victoire et un terril à l’envers.

Une ligne de chemin de fer s'enfonçant dans la jungle du Congo ? Non, simplement la ligne rejoignant la centrale thermique d'Amercœur.
Une ligne de chemin de fer s’enfonçant dans la jungle du Congo ? Non, simplement la ligne rejoignant la centrale thermique d’Amercœur.

Urbex et orbi carolo

Avec sa trentaine de terrils, Charleroi ne pouvait pas ne pas remettre ses tas de cailloux en service. Et surtout les mettre en valeur. Le nouveau logo de la ville comporte d’ailleurs une forme qui fait à la fois penser à une couronne (celle de Charles II d’Espagne), à une crémaillère (industrie métallurgique), à une crête de coq (celui de la Wallonie) et à une suite de trois terrils ! Ville renaissante d’artistes et de culture, c’est via le biais de la démarche artistique que les sentiers de plusieurs terrils carolos sont réhabilités.

Un couple d’un ex-groupe de punk new wave, une responsable de projet au département de l’Aménagement urbain de la ville, un directeur de centre culturel. Il n’en fallait pas moins pour créer et lancer ce nouveau tronçon « Boucle Noire » intégré dans la longue chaîne du SGR412 (lire aussi « Walk & Talk » avec Micheline Dufert et Francis Pourcel).

Dans son parcours le long de la Sambre, la Boucle Noire vous plonge dans une ambiance industrielle avec des engins tout droits sortis de la guerre des mondes.
Dans son parcours le long de la Sambre, la Boucle Noire vous plonge dans une ambiance industrielle avec des engins tout droits sortis de « La Guerre des mondes » de H.G. Wells.

Cette boucle de randonnée est issue d’une démarche de type « Urbex » (exploration urbaine) alliant la découverte de plusieurs zones périurbaines très typées de la proche banlieue ouest de la ville : la zone Sambre industrielle avec ses monstres de fer tout droits sortis de la guerre des mondes (de Charleroi ville-haute à Marchienne-au-Pont, 4 km), la zone verte avec son passé architectural préindustriel et ses friches recolonisées par la nature (de Marchienne-au-Pont à Roux, 7 km), la zone du canal avec son imposante centrale électrique (de Roux à Marchienne Docherie, 4 km) et la zone de la chaîne des terrils (de Marchienne-Docherie à Charleroi ville-haute, 4,6 km).

Certains quartiers traversés sont parmi les plus défavorisés de la ville et il reste encore pas mal de travail de sensibilisation et d’aménagement pour y améliorer un environnement parfois « borderline », mais c’est un beau coup de publicité pour la Ville de Charleroi qui a résolument décidé de miser sur l’exploitation de l’image de son riche passé industriel, en dehors des clichés habituels, plutôt que de tenter d’effacer au plus vite les stigmates d’une industrie abandonnée.