GREZ-DOICEAU - Bon gré mal gré !
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GREZ-DOICEAU - Bon gré mal gré !

Service : Participation et Revendication Publics : Particulier, Pouvoir public Thématique : Mobilité piétonne temps de lecture 4 min 25 sec

Dans la commune de Grez-Doiceau, au lieu-dit Guertechin, les utilisateurs de chemins et autres tenants de la mobilité douce sont en butte à une tentative d’accaparement définitif d’un privé sur un chemin vicinal.

En substance, ce privé, gros propriétaire foncier, vise à s’approprier le chemin vicinal n° 21 par reconnaissance d’une prescription acquisitive auprès de la justice de paix aux dépens de la commune de Grez-Doiceau et à définitivement exclure tous les passants de son grand domaine, les obligeant à se cantonner sur les seules voies revêtues et ouvertes à la circulation automobile.

La première manche vient d’être jouée et la juge de paix a donné raison au riverain accapareur. Stupéfaction dans le chef des défenseurs de la petite voirie qui avaient fourni moult témoignages et documents attestant d’une continuité dans la fréquentation du chemin visé. Ces documents récoltés par la commune dans le cadre d’une enquête publique ont été remis à la juge de Paix mais non pris en compte… Il est à noter que pour qu’ils l’aient été, la commune aurait dû y joindre un avis, ce qui ne fut pas le cas… L’enquête publique, faut-il le rappeler, est nécessaire dans les procédures de déclassement (art.27 et 28 de la loi vicinale). Or, ici, nous sommes dans un tout autre cas de figure (application de l’art.12).

© Denis Marion
© Denis Marion

Justesse de la cause

Notre première réflexion est qu’un tel dossier conforte la justesse de la cause engagée (et gagnée mais avec des effets retardés) auprès du monde politique visant à supprimer la prescription acquisitive par défaut d’usage contre la voirie vicinale permise par l’article 12. Car, effectivement, malgré la jurisprudence de cassation qui, si elle était appliquée strictement, rendrait pratiquement impossible la prescription, le manque de conviction des autorités communales face à des propriétaires agressifs et fortunés faisant appel à des bureaux d’avocats spécialisés amène trop souvent les juges de Paix à donner gain de cause aux usurpateurs de chemins.

Ce cas-ci en est une illustration car la commune n’a pas fait appel à un avocat, et s’est donc avancée « la fleur au fusil, » dans cette petite « guerre de chemins », fusil qu’elle n’a d’ailleurs pas daigné utiliser, ne faisant visiblement pas état devant la juge des témoignages et éléments mentionnés plus hauts et qui auraient pourtant pu permettre de faire conserver dans le domaine public le chemin en question.

Reste que la commune peut faire appel. Formellement, nous le désirons, car c’est quand même la moindre des choses de voir l’autorité publique défendre son domaine (et l’intérêt général) avec un peu de conviction.

Perte de temps

Mais justement, et voici notre deuxième réflexion, nous nous demandons si tout cela n’est pas une perte de temps et l’occasion donnée à la partie adverse de remporter un nouveau succès car si c’est avec autant (de manque) d’énergie que Grez-Doiceau défend le chemin litigieux, le résultat est couru d’avance.

On cèderait très vite dès lors à la tentation de prendre l’affaire en main dans le cadre d’une procédure de tierce opposition (procédure que n’importe quel tiers non cité initialement comme partie peut lancer s’il y justifie d’un intérêt).

Le monde à l’envers ?

Mais, sacrebleu, et c’est notre troisième réflexion, cela devient le monde à l’envers où le citoyen doit suppléer aux pouvoirs publics pour défendre la chose publique. Et le faire à ses risques et périls car un procès n’est jamais gagné d’avance ! Peut-on d’ailleurs penser que tels ou tels citoyens isolés peuvent constituer les défenseurs les plus efficaces du domaines publics ? Il faut du temps, de l’abnégation, de la ténacité…et de l’argent pour faire œuvre efficace. Nul doute que des associations constituées peuvent prendre le relais mais ne courre-t-on pas alors le risque, par l’efficacité même de leurs actions, de finalement voir de nombreuses communes être incitées à délaisser leurs responsabilités et à les abandonner au bon gré de l’implication de leurs citoyens ?

A notre sens, nous touchons ici du doigt une faiblesse de notre système d’organisation « viaire » : l’incitation ou mieux l’obligation des autorités à défendre, protéger et préserver le réseau de voirie devrait être bien mieux consacrée par le législateur. D’ailleurs, si tel avait été le cas ou si la commune avait eu la volonté de protéger sa petite voirie, jamais une telle décrépitude n’aurait été possible et jamais le procès ne serait arrivé : l’autorité communale aurait réagi bien plus tôt aux usurpations et autres entraves et l’usage du domaine public aurait été préservé. Que d’efforts, de temps et d’énergie aurait-on épargné !

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