Adieu "no parking, no business", bonjour "no walking, no business" !
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Adieu "no parking, no business", bonjour "no walking, no business" !

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Les années 1950 ont vu

l’émergence d’une philosophie commerciale dominante : “no parking, no business”. Bernardo Trujillo, un économiste colombien, et des figures françaises comme Edouard Leclerc ont porté cette idée selon laquelle la voiture était le nerf de la guerre pour le développement commercial. Georges Pompidou disait à l’époque qu’il fallait adapter la ville à l’automobile. Mais aujourd’hui, au cœur des préoccupations environnementales, remettre en question ce dogme est-il vraiment irrationnel ? La voiture demeure-t-elle l’unique clé du succès commercial ?

Dans l’époque glorieuse du “no parking, no business”, chaque place de stationnement était perçue comme un contributeur essentiel au chiffre d’affaires. Ces principes, qui ont prospéré dans les années 1950-60 en Belgique et en Europe occidentale, ont donné naissance à d’immenses zones commerciales en périphérie, où le foncier était plus accessible. Les centres-villes ont été réaménagés pour accueillir au mieux les voitures près des commerces.

À cette époque, remettre en cause la voiture semblait impensable, étant donné le coût abordable du carburant et la faible densité du trafic. Toutefois, avec les problèmes croissants de congestion urbaine et les préoccupations environnementales, cette approche a commencé à perdre de sa pertinence. Certains persistent cependant à affirmer que le “no parking, no business” reste une règle d’or.

Une enquête menée par la Métropole de Rouen

révèle que le manque de stationnement est pointé du doigt par 78% des commerçants, mais seulement 20% des clients considèrent cela comme un obstacle majeur. Plus important encore, 17% des clients réclament plus d’espace pour marcher, une préoccupation largement sous-estimée par les commerçants.

À Bruxelles, le GRACQ (Groupe de Recherche et d’Action des Cyclistes Quotidiens) démontre une divergence entre les perceptions des commerçants et la réalité. Ils surestiment le nombre de clients venant en voiture, sous-estimant la marche qui représente 36% des déplacements.

Adieu “no parking, no business”, bonjour “no walking, no business” ! Une étude[1] récente du Cerema (1) (un centre français de recherche sur la mobilité) souligne l’importance de la marche dans les déplacements vers les commerces de centre-ville. La voiture reste prédominante dans les zones commerciales périphériques, tandis que les piétons et cyclistes se dirigent vers les commerces de centre-ville. En revanche, il apparaît que 80% des ménages, qu’ils soient résidents de centre-ville ou de périphérie, privilégient, des achats de proximité ! Une opportunité pour les villes de développer la desserte piétonne, cyclable et en transport en commun.

Suite à son étude sur la marchabilité et la vitalité commerciale, Rouen a lancé en 2016 le projet « Cœur de métropole » qui a permis la rénovation en profondeur du centre-ville avec comme objectifs « d’augmenter l’attractivité patrimoniale et commerçante, et d’adapter l’espace aux nouveaux usages des mobilités douces »[2]. Trois quartiers majeurs ont été entièrement rénovés avec notamment « le réaménagement des trottoirs et des terrasses, la réalisation d’équipements de plein air (bancs, assises, aires de déjeuners), l’implantation ou le réaménagement d’espaces verts et d’espaces de respiration végétale, mais aussi la mise en place de points de signalisations et d’informations sur les parcours, les sites ou les activités environnantes »[3]. La phase 2 du projet a d’ailleurs été annoncée ce printemps 2022.

Source : https://www.metropole-rouen-normandie.fr/un-territoire-renove-coeur-de-metropole

Dans une étude sur la piétonnisation dans l’ouest breton[4], l’agence d’urbanisme de Brest nous prouve que donner plus de place aux piétons peut être une conséquence positive, surtout lors de la création de nouvelles infrastructures de transport collectif. À Brest, la première ligne de tramway a considérablement élargi les espaces piétonniers, offrant une bouffée d’air frais à la communauté. À Saint-Brieuc, l’introduction d’une ligne de bus à haut niveau de service a permis de repenser l’ensemble de la voirie, repartageant l’espace entre les différents usagers. Et chez nous, à Liège, le projet de tram prévoit de réaménager les espaces publics en faveur des modes actifs, apportant une nouvelle dynamique à la ville.

Dans un esprit similaire, de nombreux centres-villes commerçants

ont adopté des aménagements piétons pendant la crise sanitaire du Covid-19, répondant au besoin de distanciation sociale. Ces changements temporaires ont même été pérennisés à Mons et à Namur, avec la création de zones de rencontre au cœur de leurs intra-muros.

Si l’idée d’abandonner le dogme du “no parking, no business” n’est pas encore universelle, des études sérieuses démontrent son obsolescence depuis de nombreuses années. Les recommandations, axées sur l’amélioration de la desserte piétonne en centre-ville et en périphérie, ainsi que sur la reconnaissance de la marche à pied comme vecteur d’attractivité commerciale, se matérialisent sur le terrain par des réaménagements urbains dans plusieurs villes et communes. Il est l’heure de porter haut et fort le message du “no walking, no business” !