« Walk & Talk » avec Samuel Puissant
Article | News |

« Walk & Talk » avec Samuel Puissant

Publics : Particulier, Pouvoir public temps de lecture 5 min 8 sec

Parce qu’« À chaque vieux qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle », Samuel, 30 ans, parcourt sa région de long en large pour ne pas perdre une miette de tout savoir oublié.

Pour la quatrième édition de notre rubrique « Walk & Talk », rendez-vous a été pris à Lompret, petit village de 600 âmes de l’entité de Chimay.

Ah non pardon, ici on dit « Vaux-Lompret » sans respirer et en un seul mot. Les villages étant jumelés.

Ça, c’est dit, dès la première phrase à la terrasse de l’Eau Blanche avec vue sur le rocher du camp romain où nous grimperons plus tard pour découvrir le paysage. Tout cela comme il se doit dans la région, avec une Chimay blanche pour accompagner la discussion.

Et donc, Vaux-Lompret c’est le village de Samuel Puissant. Il y est né, il y a 34 ans. Il y a grandi, avec ses deux frères et sa sœur avec qui il partage toujours la production de viande pour la consommation familiale. Il s’y est installé, dans une maison construite en partie avec des planches provenant des bois de son grand-père. Il y a fait ses enfants ; deux. Il y travaille presque, à trois kilomètres près. Il y connaît tous les habitants et ne le quitte que pour les Hautes Alpes.

Le village de Lompret (Chimay) vu de l'ancien fort romain accessible par un petit sentier passant entre deux maisons.
Le village de Lompret (Chimay) vu de l’ancien fort romain accessible par un petit sentier passant entre deux maisons.

Professeur d’éducation physique de formation, Samuel aime le sport, l’escalade, l’alpinisme, la randonnée, le canoë-kayak. Mais l’amour de la nature c’est un héritage familial. Et notamment grâce au grand-père propriétaire forestier. Bon lui il plantait des arbres sur des pâtures, mais surtout, tous les dimanches matins, dès l’aube, Samuel était de sortie avec Papy et les cousins. Des heures de promenade, de descente de rivières, de travail du bois, ça vous imprime un lien, une envie d’être proche de la nature. Ajoutons à cela près de vingt ans de scoutisme dans l’unité de Chimay dont il est encore responsable d’unité.

Parce que c’est cela la devise de Samuel : quoi qu’il entreprenne, il veut créer des contextes pour que les gens se régalent de la nature et créent un lien affectif avec elle.

Plusieurs vies

Son activité principale c’est animateur nature à l’Aquascope de Virelles. Des classes vertes, stages de vacances, séjours d’immersion, canoë sur l’Oise dont l’eau est utilisée pour brasser la Chimay (minute culture générale) et aubes sauvages, il passe au fil du temps à la formation pour adulte et à l’écriture.

Du coup cela tombe plutôt bien quand le projet d’un livre sur l’usage des plantes sauvages est lancé en collaboration avec Émilie Hennot, sa collègue du village voisin d’Aublain. Un réseau composé de trente enquêteurs de terrain va récolter en deux ans près de 980 usages de 160 plantes auprès de 150 personnes âgées de la région. L’objectif est une réappropriation et une transmission du savoir redécouvert. Un livre fait de portraits de gens qui traite des modes de vie, du rapport à la santé et au territoire (lieux, autorisation de cueillette … ) de Momignies, Chimay, Couvin, Sivry, Rance et Froidchapelle. Le biologiste Jean Marie Pelt a aimé, et a parrainé le projet.

Son deuxième boulot c’est la création de l’asbl « D’une cime à l’autre » en septembre 2016. On y retrouve le même fil conducteur nature/humain. L’objectif est ici la resocialisation de jeunes et d’adultes en décrochage social par des activités sportives en pleine nature.

Mais en fait, pourquoi sommes-nous venus le rencontrer ?

Et bien, parce qu’avant d’avoir fait le tour des « vieux du village » pour le livre sur l’usage des plantes sauvages, il l’avait déjà fait une première fois à 24 ans grâce à l’obtention d’une bourse de la fondation Chimay-Wartoise qui finance des projets valorisant la région de Chimay. Une initiative mise en place pour rebooster cette région socialement défavorisée.

Son objectif premier était déjà à l’époque, nous vous le donnons en mille, d’écrire un livre ! Sur son village. Une sorte d’encyclopédie exhaustive. Le temps passe, la quantité d’information s’accumule. Ce livre-là ne sortira pas, mais une carte toponymique sera publiée grâce aux nombreuses recherches. Les noms des lieux issus des cartes, liés aux histoires de familles racontées et collectées, retrouvés grâce aux recherches historiques et étymologiques ont été répertoriés et cartographiés et une explication donnée pour chacun. La carte a été publiée et distribuée dans toute la région. Continuer à la faire vivre sur le terrain pour que plus de monde s’approprie ce savoir passera peut-être par un projet de panneaux toponymiques. Mais ça, c’est une autre histoire.

Carte topographique et toponymique des villages de Vaulx et Lompret.

Parce qu’actuellement Samuel n’en a toujours pas fini avec les « vieux de son village ». Son prochain projet est de recenser tous les contes et les histoires. Et il ne faut pas tarder, car « À chaque vieux qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle ».

Nous étions venus interviewer l’auteur d’une carte toponymique d’un petit village nommé Lompret, nous avons rencontré un amoureux de son village et surtout des gens qui y vivent. Et ça nous a fait du bien. En plus du soleil et de la Chimay blanche.

Si vous allez à Vaux-Lompret vous croiserez sans doute Samuel et son opinel qu’il a toujours sur lui pour fabriquer un sifflet ou goûter une plante. Près du Bois de Blaimont, jardin de son enfance ou dans la vallée des près. Nous, nous retournerons à l’Eau Blanche pour y goûter l’escavèche-frites.