La marche au quotidien
Article | Conseils |

La marche au quotidien

Service : Participation et Revendication Public : Pouvoir public Thématique : Mobilité piétonne temps de lecture 7 min 7 sec

De l’intérêt de valoriser la mobilité piétonne

Un des enjeux essentiels pour favoriser la marche à pied dans nos pratiques de mobilité quotidienne est de renverser la hiérarchie des modes de déplacement pour penser d’abord aux usagers les plus vulnérables, puis aux plus forts. Ainsi, la manière de concevoir nos espaces publics doit évoluer significativement afin de retrouver un certain équilibre entre les modes et remettre les piétons au cœur même de cette conception.

L’évolution de nos mobilités depuis les années 50

Au cours de la seconde moitié du vingtième siècle, durant les années 1950-1960-1970, la motorisation rapide et massive des ménages doublée par un désinvestissement envers les transports collectifs, engendre une certaine dépendance à l’automobile (Dupuy, 1999). Ainsi, la « voiture reine » prend possession des espaces publics et nos pays occidentaux développent de manière considérable les réseaux routiers et autoroutiers. Les autres modes de déplacement sont relégués au second rang, à l’instar des réseaux de tramways démantelés au cours de cette période dans de nombreuses villes. Néanmoins, au fil du temps, on se rend compte des premiers effets négatifs de cette dépendance notamment à cause de la congestion urbaine touchant essentiellement les espaces urbains où se rejoignent les principaux axes routiers. De ce fait, à partir des années 1980, les transports collectifs sont revalorisés, et on assiste au redéploiement de l’offre en transports alternatifs à la voiture particulière, tout en continuant à délaisser les modes actifs (vélo et marche à pied). C’est seulement à partir des années 1990 que ces derniers sont petit à petit remis au centre des préoccupations grâce à la prise de conscience des problématiques environnementales. On pointe alors du doigt les transports motorisés comme étant l’une des principales sources de consommation énergétique. A contrario, les modes non-motorisés présentent l’avantage de ne consommer aucune énergie fossile et permettent aussi d’assurer une certaine complémentarité avec les modes de transports alternatifs à la voiture. Mais pour favoriser ces modes actifs, l’enjeu est de taille après près d’un demi siècle d’aménagements dédiés aux modes motorisés ! L’ASBL Tous à Pied souhaite donc étendre son champ d’activités jusqu’alors essentiellement limité à la défense et valorisation des chemins et sentiers, pour se préoccuper aujourd’hui des usagers les plus vulnérables qui empruntent ces petites voiries, mais également les autres voiries carrossables partagées, à savoir les piétons.

Vienne – (c)Jacek Dylag – Unsplash

L’intérêt du mode piéton

Parmi les modes actifs, la marche à pied, trop longtemps oubliée des politiques d’aménagement, présente plusieurs avantages à mettre en avant. Premièrement, s’adonner à la marche à pied quotidiennement permet de répondre au besoin de pratiquer une activité physique régulière. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) préconise d’ailleurs 30 minutes d’activité physique par jour pour avoir des répercussions positives sur la santé. Elle permet une réduction de la sédentarité, de l’obésité, et prévient les maladies cardio-vasculaires (Héran, 2011, La ville morcelée : effets de coupure en milieu urbain). Et même si marcher à pied jusqu’à son travail ou pour se rendre à un point d’arrêt de transport collectif peut parfois prendre plus de temps qu’utiliser un autre mode de déplacement, il faut se dire qu’il s’agit du temps que l’on ne passera pas dans une salle de fitness à l’abonnement parfois bien onéreux ! Deuxièmement, « la marche est un prélude, un point de départ  […]. Elle favorise un contact direct avec la collectivité et permet de respirer l’air frais, de passer du temps à l’extérieur, […] de vivre des expériences et de s’informer. Á la base, la marche est une forme de communication entre les personnes qui partagent l’espace public » (Gehl, 2012, Pour des villes à échelle humaine). Elle participe ainsi au renforcement de l’urbanité entendu comme [un caractère propre d’un espace public] organisé pour faciliter au maximum toutes les formes d’interaction (géoconfluences, 2017). Ce mode de déplacement permet de d’augmenter les relations sociales entre les individus pour rendre nos espaces publics plus conviviaux et vivants. De plus, remettre la marche à pied sur le devant de la scène, c’est aussi combattre les injustices de l’accès à la mobilité pour les personnes non-motorisées. En effet, à l’exception des personnes à mobilité réduite ou en situation de handicap, chaque individu se retrouve en situation d’égalité face à ce mode de déplacement. C’est ce qu’appelle Jan Gehl (Ibid.), la « durabilité sociale ». En aménageant donc des espaces favorables aux piétons, on développe une politique qui touchera un maximum de personnes sans distinction discriminatoire. Troisièmement, il s’agit d’un mode de déplacement particulièrement respectueux de l’environnement au sens large du terme. D’une part, ce mode ne consomme aucune énergie particulière, mis à part l’énergie propre à l’individu qui pratique la marche. Il  permet de répondre aux objectifs de la transition énergétique qui traduit le passage d’un système essentiellement orienté vers la consommation d’énergie fossile, à un système centré sur la consommation d’énergies renouvelables. D’autre part, si on comprend le terme « environnement » comme ce qui nous entoure, on peut dire que si on réaménage les espaces en faveur des piétons en diminuant la place des transports motorisés, on créera un environnement plus convivial susceptible d’augmenter le capital social des individus. Dernièrement, il s’agit d’un mode très complémentaire avec les modes de transports collectifs car la marche à pied est souvent utilisée lors d’un déplacement :

  • en début de parcours pour se rendre à un point d’arrêt de transport ;
  • au milieu du parcours pour effectuer une correspondance ;
  • à la fin du parcours pour se rendre à sa destination finale.

Réaménager les espaces en faveur des piétons revient donc à améliorer les performances du système de transports alternatifs à la voiture particulière basé sur la multimodalité (l’utilisation combinée de plusieurs modes pour se rendre à une destination donnée). De plus, la marche possède le grand avantage de la fiabilité du temps de parcours et reste le mode le plus pertinent pour des déplacements inférieurs à un kilomètre.

Ruelle Profondeville – (c)Tous à Pied

Quelle stratégie déployer ?

A l’instar du plan Wallonie cyclable qui « englobe toute une série d’actions qui ont pour but d’améliorer les conditions de la pratique du vélo et augmenter significativement son utilisation en Wallonie d’ici 2020 » (mobilité.wallonie.be, 2018), l’ASBL Sentiers.be souhaite faire valoir auprès des autorités, des services publics et de la population, l’intérêt de remettre sur le devant de la scène la marche à pied comme mode de déplacement au quotidien dans une perspective de transition vers une mobilité plus durable en Wallonie. Pour cela, toute une série d’actions de communication, d’information, de sensibilisation seront mises en œuvre pour toucher un maximum de personnes. De plus, nous avons lancés ou lancerons en cette année 2018 de nouveaux projets à destinations des communes (ou autres entités publiques comme les GAL, etc.) comme le label commune pédestre, la basket d’or et le diagnostic d’accessibilité piétonne. Aussi, nous avons alimenté notre site internet de plusieurs thématiques correspondant à une stratégie de valorisation de la mobilité piétonne et redéploiement du mode piéton dans nos espaces publics. Celle-ci est divisée en cinq actions complémentaires :

  • Aménager des territoires favorables aux piétons ;
  • Remettre les piétons au cœur des espaces publics ;
  • Éviter et briser les coupures territoriales ;
  • Favoriser l’intermodalité des piétons ;
  • Travailler sur le changement de comportement.

De nombreuses sources et ouvrages de référence furent mobilisés pour tenter au mieux de faire percevoir notre vision des choses partagée au sein de l’association. Nous vous invitons donc à consulter ces références après la lecture pour plus de précisions.