Dis-moi comment tu viens travailler et je te dirai...
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Dis-moi comment tu viens travailler et je te dirai...

Service : Participation et Revendication Publics : Particulier, Pouvoir public, Professionnel Thématique : Mobilité piétonne temps de lecture 6 min 10 sec

Tout beau tout chaud, le diagnostic fédéral sur les déplacements domicile-travail vient de paraître. Tous à Pied l’a passé en revue sous l’angle des marcheurs du quotidien. Ceux qui utilisent leurs petits pieds, un peu ou beaucoup, pour se rendre au boulot.

Avant de porter notre attention sur les résultats, il est intéressant de rappeler l’origine de ce rapport. La réalisation d’un tel diagnostic est, depuis 2005, une obligation légale pour tous les employeurs belges qui occupent plus de 100 personnes (les PME ne sont donc pas prises en compte). Tous les 3 ans, ces employeurs, qui représentent 1,5 million de personnes au total, rendent au SPF Mobilité un rapport sur les déplacements domicile-travail de leurs employés. L’objectif de recueillir des données et d’observer les politiques de mobilité mise en œuvre par les entreprises.

Des résultats qui manquent de précisions

Et donc ce fameux rapport nous apprend que les déplacements domicile-travail effectués à pied seraient en augmentation à Bruxelles (+39%) et en diminution en Wallonie (-11,7%) et en Flandre (-16,7%) depuis 2005.

On se déplacerait quasiment autant à vélo (4,4%) qu’à pied (3,5%) pour aller au travail à Bruxelles et plus à pied (2,8%) qu’à vélo (1,6%) en Wallonie.

On se permet d’utiliser le conditionnel, car il est plus que probable que la part de la marche y soit sous-estimée. En effet les résultats sont attribués en fonction du mode de transport principal, c’est-à-dire le mode qui couvre la plus grande distance entre le lieu de résidence et le lieu de travail pendant la majeure partie du trajet. Pour avoir des chiffres reflétant la réalité quant aux déplacements à pied, il est donc important de mettre en place un véritable monitoring des déplacements piétons afin que ceux-ci soient pleinement pris en compte dans les statistiques régionales et fédérales de mobilité. Dans les statistiques actuelles, l’entièreté du trajet est attribuée au mode de transport représentant le plus de mètres parcourus, faisant passer à la trappe les déplacements piétons de début et fin de parcours (exemple: 500m à pied pour aller prendre le bus + 3km en bus + 300m à pied pour arriver à destination = 3,8km en bus au lieu de 3km en bus et 800m à pied). Pour être comptabilisé, un déplacement piéton doit se faire sur l’entièreté du trajet alors que dans tous les cas ceux-ci interviennent au départ et à l’arrivée de tout déplacement. Les données actuelles ne reflètent donc pas la réalité de terrain. (Cf. Mémorandum de Tous à Pied pour les élections 2019).

Diagnostic fédéral déplacements domicile travail 2017 reprenant les déplacements piétons

L’analyse des résultats comparant les zones peu et densément peuplées montre que même dans les grandes villes (Anvers, Bruxelles, Bruges, Charleroi, Courtrai, Gand, Liège, Louvain, Mons, Namur et Ostende), la part modale de la marche reste assez faible (de l’ordre de 2%). Ce qui est assez paradoxal quand on voit que la part des métros, trams et bus y est importante. Si plus de personnes utilisent les transports en commun, c’est qu’ils doivent s’y rendre plus que probablement à pied. 

L’enquête montre également que depuis 2005, les alternatives telles que les transports en commun ont favorisé la baisse de l’utilisation de la voiture. En améliorant les conditions de la marche aux arrivées d’arrêts ou entre l’arrêt et son lieu de destination, ce pourcentage prenant en compte toues les déplacements réels à pied ne pourra que s’améliorer (voir : https://www.tousapied.be/favoriser-lintermodalite-des-pietons/).

Une donnée intéressante ressortant du rapport indique par ailleurs que les femmes utilisent généralement un peu plus souvent les transports publics et marchent plus que les hommes. Une toute bonne raison pour penser et repenser nos espaces publiques en intégrant une analyse de genre aux plans d’aménagements permettant la prise en compte du bien-être et de la sécurité des femmes dans l’espace public.

Enfin, le choix d’un mode de transport en fonction de la distance entre le domicile montre que modes actifs (vélo et marche) sont surtout bien représentés pour les trajets de moins de 15 kilomètres. La voiture reste néanmoins fortement utilisée pour ces mêmes distances. Il serait dès lors aussi intéressant que le rapport envisage de développer la partie sur les difficultés d’accès rencontrées à pied comme il le fait pour les autres modes de transport. La distance fait certainement partie des principales causes, mais la question mériterait d’être creusée comme elle l’est pour le vélo par exemple.

Des initiatives prises par des employeurs oubliant la marche

Le rapport indique que les initiatives prises par les employeurs pour améliorer la mobilité de leurs travailleurs se sont multipliées. Celles-ci sont nombreuses pour le vélo est les conséquences se remarquent. Actuellement, ces mesures sont par contre assez faibles pour la marche. Tous à Pied défend donc l’idée d’étendre aux piétons l’indemnité accordée aujourd’hui aux personnes se rendant au travail à vélo et la rendre obligatoire. Qu’il faut aussi trouver d’autres sources de financement permettant d’encourager les déplacements piétons. Actuellement, l’intervention de l’employeur pour l’équipement de son employé qui viendrait à pied est considérée comme un avantage en nature. Se déplacer à pied engendre des coûts : usure des chaussures, vêtements adaptés… Un incitant financier pourrait être un petit booste aux indécis les encourageant à changer leurs habitudes. Cette manière durable de se rendre au travail aide à lutte contre les embouteillages, la pollution atmosphérique, et à un impact non négligeable au niveau santé.

L’analyse des difficultés d’accès rencontrées à pied permettrait par ailleurs ici aussi d’orienter les mesures à prendre par les employeurs en faveur de leurs employés piétons.

Conclusions

À la lecture quelques bonnes nouvelles pour la mobilité durable émergent : les transports en commun sont fortement plébiscités à Bruxelles (54,7%) où ils sont bien plus utilisés que la voiture (36,2%). En Wallonie la voiture reste par contre la reine incontestée (83,3%), mais le vélo gagne du terrain dans les grandes villes. La politique des “voitures salaires” est cependant encore pointée du doigt comme un frein au changement de mobilité.

On peut de plus grandement se réjouir de la progression de la part du vélo qui fait l’objet de nombreuses attentions ces dernières années. Cela confirme que si on s’en donne les moyens, les choses peuvent changer. Espérons que la marche soit aussi mieux prise en compte et favorisée dans les mois et années à venir dans les villes, mais aussi sur l’ensemble du territoire. Les nouvelles législatures s’annonçant sont une bonne opportunité pour la faire remonter à l’agenda politique. Il faut continuer à améliorer l’accessibilité à pied aux transports en commun, zone de covoiturage, dans et vers les lieux de vie. C’est ainsi que la part modale de la voiture « soliste » pourra continuer à diminuer. Le rapport complet est d’ailleurs accessible